La Sélection espagnole n'a jamais été en odeur de sainteté dans la nationaliste Catalogne, mais, pour la première fois à l'occasion du Mondial 2010, les Catalans se laissent malgré tout séduire par le parcours triomphal d'une Roja à fort accent barcelonais.

À peine quelques milliers de fans - dont beaucoup d'étrangers - ont fêté mercredi soir la qualification historique de l'Espagne contre l'Allemagne en finale de la Coupe du monde dans le centre de Barcelone. Ils étaient plus de 50 000 à Madrid!

Rien à voir non plus avec les marées humaines qui envahissent la capitale catalane pour fêter les sacres du FC Barcelone, incarnation du catalanisme, auto-défini comme «plus qu'un club» et dont l'ex-président Joan Laporta s'apprête à se lancer dans l'arène politique. Sous la bannière indépendantiste.

Mais mercredi soir, des gens sont descendus dans la rue avec le maillot de la sélection, des drapeaux espagnols qui sont plutôt tabou en catalogne. Bien sûr, ce ne sera jamais comme à Madrid, mais c'est surprenant de voir ça.

Normalement, la Roja n'intéresse pas en Catalogne. Mais pendant ce Mondial, les gens sont accrocs, Même s'ils le montrent plus timidement qu'ailleurs.

Pourquoi cet engouement inédit? L'équipe d'Espagne est très marquée Barça, tant par son effectif que son style chatoyant et offensif de passes léchées, qui a fait du club catalan la référence européenne.

Sept (!) joueurs du Barça évoluaient sur la pelouse mercredi soir: Iniesta, Xavi - qui retourne le haut de ses chaussettes, selon les mauvaises langues pour masquer le drapeau espagnol imprimé dessus - Busquets, Piqué, Pedro, Villa et Puyol, auteur du but victorieux.

La presse catalane ne manquait pas jeudi de le souligner avec insistance: «Seul le capitaine du Barça pouvait marquer», commentait Mundo Deportivo.

El Periodico de Catalunya rendait hommage à «une Espagne belle, harmonieuse, fanatiquement fidèle à un style qui l'a propulsée à la porte de l'éternité». Pour aussitôt s'interroger: «Mais au fait, c'était l'Espagne? Ou bien peut-être le Barça?...»

L'empreinte catalane sur l'équipe d'Espagne n'a pas échappé aux journalistes étrangers. Le sélectionneur Vicente del Bosque s'en est agacé mercredi soir en conférence de presse: «L'Espagne ce n'est pas le Barça, ni le Real Madrid. Le triomphe d'aujourd'hui, c'est celui de tout le football espagnol».

La ville de Barcelone était l'une des rares du pays à avoir rechigné à installer un écran géant en plein air pour les supporteurs. Elle a changé de fusil d'épaule jeudi, en annonçant qu'elle allait le faire pour la finale. Raison officielle: canaliser la foule et éviter des débordements...

Victoire ou non dimanche, un rassemblement bien plus important s'annonce la veille à Barcelone. Les Catalans sont appelés à manifester contre l'amputation partielle de leur statut d'autonomie par le Tribunal constitutionnel, sous le slogan: «Nous sommes une Nation. Nous décidons pour nous-mêmes».