Yassine BEZZAZ : « Il nous reste quatre matchs, quatre finales »

La dernière image qu’a le peuple Algérien de ce footballeur talentueux, c’est malheureusement son évacuation sur une civière à la 70ème minute de jeu du Match Mali 0-1 Algérie comptant pour le premier tour de la dernière CAN, à Luanda, en Angola. Yassine Bezzaz, puisque c’est de lui qu’il s’agit, venait alors de se blesser gravement aux ligaments croisés du genou.

Après, une opération chirurgicale et six mois de soins, Yassine Bezzaz, 29 ans, milieu de terrain au pied gauche magique, 21 sélections et 3 buts est de retour au plus haut niveau, avec son nouveau club, l’ESTAC Troyes, en Ligue 2 Française, pour le plus grand bonheur des supporters Algériens dans le cœur desquels, il a toujours eu une place à part. L’enfant de Grarem Gouga, en bon gentleman, a accepté de répondre à nos questions. Bezzaz nous y raconte, sa blessure,ses mois de « galère » pour retrouver sa forme, son retour et surtout sa volonté farouche de revenir en équipe nationale. Une équipe nationale où il a écrit les plus belles pages de sa carrière.

Le Temps : La dernière fois que nous avons vu Yassine Bezzaz, c’était à la dernière CAN, en Angola et sur une civière pour cause de blessure grave au genou. Quel est votre état de santé au jour d’aujourd’hui ?

Yassine Bezzaz : Je suis el hamdoullah en pleine forme. Grâce à dieu il n’y a pas eu de complications et j’ai récupéré l’essentiel de mes moyens. Je manque juste encore un peu de rythme c’est tout.

Le Temps : Où avez-vous été opéré et où avez-vous passé votre rééducation ?

Yassine Bezzaz : J’ai été opéré par le professeur Yeger, en France, à Strasbourg, un médecin spécialiste du genou, qui m’a été recommandé par mon précédent club, le Racing Club de Strasbourg et je ne le regrette pas car l’opération a totalement réussie. Ensuite j’ai fait 90% de ma rééducation en France aussi, à Saint Raphael cette fois pour la terminer à Strasbourg sous l’œil du professeur Yeger.

Le Temps : Vous et Foued Kadir avez choisi la France pour soigner votre blessure et vous êtes revenu en forme très rapidement. Pourquoi de plus en plus de joueurs de l’équipe nationale choisissent –ils le Qatar par rapport à la France, alors que la prise de poids de Bougherra avant le mondial et la non guérison de Meghni prouvent que cela semble être le mauvais choix. Qu’en pensez-vous ?

Yassine Bezzaz : En fait, si tous les sportifs blessés au genou, pas seulement les footballeurs s’orientent vers la France, c’est que les plus grands chirurgiens en matière de genou sont des Français. De plus, après l’opération, la France possède aussi deux « bijoux » pour la rééducation que sont Saint Raphael où j’ai fait la mienne et aussi Capbreton, dans le sud Ouest. M’étant blessé au genou, jouant et vivant en France, il m’a semblé naturel de me soigner dans ce pays. Pour ce qui est de certains de mes collègues qui préfèrent se soigner au Qatar, je les comprends aussi car l’hôpital qui est partenaire de notre fédération, chapoté par un ancien du Paris Saint Germain, le docteur Chalabi dispose aussi de toutes les commodités, de la technologie et des infrastructures pour ce qui est des blessures liées au sport. Sans parler des médecins et des thérapeutes sur place qui ont tous déjà exercé en Europe. En fait chacun gère sa blessure comme il le veut et choisi de faire sa rééducation là où il se sent le mieux, ce sont des choix personnels je n’ai pas à les commenter.

Le Temps : Une blessure n’est pas seulement physique mais aussi psychologique. N’avez-vous pas trop été affecté par le fait d’avoir manqué la dernière coupe du monde ?

Yassine Bezzaz : Vous avez raison, le plus dur dans une blessure, c’est le Mental. Lorsque comme moi, vous êtes fauché par une blessure aux ligaments croisés au début d’une CAN que l’on aurait bien aimé finir, une année de coupe du monde où l’Algérie est enfin qualifiée et dieu sait si ça n’arrive pas tous les jours, tout s’effondre autour de vous. Le mental flanche, on a envie de se lamenter, de se dire que l’on n’a pas de chance et que tout est fini, et il faut être solide mentalement pour ne pas flancher et se reprendre au bord du précipice pour guérir et revenir le plus rapidement sur les terrains. Moi ce qui m’a empêché de sombrer, c’est ma foi en dieu. Je me suis dit que c’était le Mektoub, que le destin de dieu l’avait voulu ainsi et qu’il y avait surement une bonne raison et surtout de dire El Hamdoullah car cela aurait pu être plus grave encore. Enfin, il n’y a qu’à regarder le journal de 20h pour voir qu’il ya cent fois plus malheureux que vous sur terre. Cela m’a aidé à dédramatiser et à revenir plus fort encore.

Le Temps : Durant ce coup dur du destin, est ce que vous avez reçu des encouragements de la part de vos collègues Fennecs ?

Yassine Bezzaz : J’ai reçu plusieurs appels pour prendre de mes nouvelles et des messages de soutien de joueurs de l’équipe nationale et je vous jure, cela fait chaud au cœur. Cela signifie que toutes ces années où j’ai vécu avec l’équipe nationale je ne les ai pas vécu seulement avec des joueurs de la même nationalité que moi mais avec de véritables frères. Nous formons une famille et une famille se resserre plus encore quand ça va mal que quand ça va bien.

Le Temps : Comment êtes vous arrivé à l’Estac (l’équipe de Troyes) ?

Yassine Bezzaz : En fait, après la descente de Strasbourg en championnat national (troisième division Française) en fin de saison dernière, le club Alsacien a fait le forcing pour me garder dans le groupe pour remonter le club tout de suite en ligue 2. En ce qui me concerne, il n’était pas question que je joue en national et comme j’étais en fin de contrat,  je me suis mis sur le marché du travail. Jean Marc Furlan, mon ancien coach à Strasbourg démarrait une nouvelle aventure avec Troyes, et il m’a recruté el hamdoullah.

Le Temps : Dans un mercato très difficile, crise économique oblige, vous réussissez à signer cet été alors que vous revenez de blessure et chez un gros de ligue 2 en plus. Comment expliquez vous cette confiance que l’ESTAC a placé en vous ?

Yassine Bezzaz : Justement, si je suis à Troyes aujourd’hui, je le dois à une seule personne, Jean Marc Furlan. Comme vous l’avez dit, crise économique et financière oblige,les clubs n’ayant plus d’argents, le mercato cette année a été l’un des plus calme de l’histoire du football voir quasiment inéxistant. De très grands joueurs se retrouvent au chômage, même des joueurs qui évoluaient en Ligue 1. Le fait que Furlan connaissait ma blessure, savait que j’avais quitté les terrains six mois et qu’il me fallait six autres moi pour revenir rend son geste encore plus noble et ma mission sera de travailler double et de me dépenser sans compter sur le terrain pour lui rendre un peu de ce qu’il m’a donné.

Le Temps : Quand avez-vous repris les entrainements ?

Yassine Bezzaz : J’ai repris les entraînements avec le groupe début Aout. J’avais fait la préparation avec mon club, mais revenant de blessure je ne faisais que des entrainements spécifiques individuels. Ce n’est que début Aout que j’ai repris les entrainements avec le groupe pro et j’ai du attendre trois semaines pour jouer un match officiel, d’abord avec la réserve en CFA et ensuite en équipe première en ligue 2.

Le Temps : Vous avez fait un match de toute beauté en coupe de France, contre certes « un petit poucet » Château Thierry (12-0) où vous avez marqué un but et trois passes décisives. Vous pouvez nous en parler ?

Yassine Bezzaz : Je suis très satisfait de ma prestation lors de ce match. C’est vrai que l’adversaire était d’un niveau bien plus faible mais sur un plan personnel c’est au jour d’aujourd’hui mon match le plus abouti sur le plan des sensations et du rythme cette saison. Depuis mon retour début Aout, je n’ai pas été convoqué dans le groupe des 18 quatre fois, je suis resté sur le banc de touche dix fois et j’ai joué titulaire trois fois. A chaque match, je sens mes sensations revenir un peu plus et si je continue d’avoir du temps de jeu, je serai bientôt au top incha Allah.

Le Temps : A quand Yassine Bezzaz pour de bon en championnat de Ligue 2 avec l’ESTAC ?

Yassine Bezzaz : Comme je vous l’ai dit, si comme c’est prévu, mon temps de jeu monte crescendo, que je joue des matchs comme les trois derniers que j’ai joué, lors des quatre derniers match de la phase aller et si je m’entraine durant la trêve hivernale, à la reprise du championnat , début janvier, Yassine Bezzaz sera de retour à 100% si dieu veut.

Le Temps : Il y a un an, pratiquement jour pour jour, c’était le match d’Oum Dormane et la qualification au mondial dans les circonstances que l’on sait. Pouvez vous nous dire en quelques mots, vous qui étiez sur la feuille de match, le souvenir que cela vous évoque ?

Yassine Bezzaz : Ce moment restera l’un des moments les plus intenses, pas de ma carrière sportive, mais de ma vie tout entière. Je n’ai qu’une image de ce match, c’est le coup de sifflet final de l’arbitre, une joie intense qui m’envahi et qui me fait courir comme un fou sur le terrain. Mes oreilles n’entendaient plus aucun son car les joueurs, les médias et surtout le public, étions dans une sorte de « transe collective » et nous avons tous communié ensemble ce soir là. Un moment inoubliable. Le plus drôle c’est que nous n’avons réalisé vraiment la portée de ce match et la qualification au mondial que le lendemain, à Alger, sur l’autobus impérial avec le public, car au Soudan nous ne pensions que : « On a battu l’Egypte ! », après ce que nous avions subi quatre jours avant.

Le Temps : Comment avez-vous accueilli la nouvelle de la démission de Rabah Saadane ?

Yassine Bezzaz : Pour être franc, cette démission de Rabah Saadane était quand même attendue. Cela faisait un petit moment qu’on sentait un essoufflement et que les résultats n’étaient plus au rendez vous. Mais cela n’enlève rien à ses compétences propres car moi qui était dans ce groupe depuis 2007, qui ai vu Saadane arriver et travailler, je peux vous dire qu’il est pour beaucoup dans notre qualification au mondial et à la CAN où nous sommes quand même allé en demi finale, une première depuis 1990. Pour résumer je vous dirais « au revoir et merci M. Saadane » car il ne faut pas oublier le passé et aujourd’hui « Tous derrière Benchikha » car c’est lui l’entraîneur actuel et il a besoin du soutien de tous pour assurer sa mission avec les Verts.

Le Temps : Lorsque vous portez le maillot Algérien, on vous sent totalement décontracté, vous semblez ne ressentir aucune pression et vous réussissez tout ce que vous entreprenez. En club on vous a toujours senti plus en dedans. Comment l’expliquez-vous ?

Yassine Bezzaz : C’est vrai je le reconnais, je suis meilleur en sélection qu’en club. Non pas que je ne me donne pas en club, mais il ne s’agit pas du tout de la même chose. En club, la concurrence est rude, on est mis sous pression, c’est très dur d’avoir la confiance de son entraîneur et on est en permanence un peu fébrile, ou aux aguets suivant son caractère. C’est très dur nerveusement.

Par contre en équipe nationale, le contexte est différent,  je suis comme chez moi. Je suis en famille. Je joue pour mon pays à l’aise car mon football correspond à celui de la sélection. En équipe nationale, on est surmotivé par patriotisme, on joue avec le cœur. Et même s’il y a aussi de la concurrence, peu importe d’être titulaire, remplaçant, d’avoir du temps de jeu ou pas, l’essentiel c’est que l’Algérie gagne et je vous le garanti, et je pèse mes mots, que le drapeau Algérien donne des ailes.

Le Temps : Yassine Bezzaz pense t’il encore à l’équipe nationale ?

Yassine Bezzaz : Durant tous les moments difficiles que j’ai traversé pendant ma blessure, et lors de ma rééducation, ce qui m’a fait tenir, c’est l’équipe nationale. L’idée un jour de retrouver l’équipe nationale, les stades pleins, la chaleur, les sensations des stades de chez nous ... J’ai quand même plus de dix ans d’Equipe nationale derrière moi, je vous rappelle que ma première sélection c’était en 2001, ce n’est pas rien. Ma blessure ne deviendra vraiment qu’un mauvais souvenir, que le jour où je reviendrai en équipe nationale inchallah et je vais mettre les bouchées doubles pour mériter de revenir chez les Verts.

Le Temps : Abdelhak Benchikha a ouvert les portes aux joueurs de l’équipe nationale aux joueurs de Ligue 2. Cela doit vous donner de l’espoir vu votre expérience internationale ?

Yassine Bezzaz : Comme l’a dit M. Benchikha, les portes de l’équipe nationale sont ouvertes à tous. La balle est donc dans notre camp, nous les joueurs. Moi je sais ce qu’il faut que je fasse pour que mon nom soit à nouveau couché sur une liste de sélectionnés. Il faut que je sois au top physiquement mais aussi au top de mon niveau, et que je me démène pour réussir avec l’ESTAC pour attirer le regard du sélectionneur national, qui me connait et qui sait que Yassine Bezzaz, s’il revient en équipe nationale, ça sera pour tout donner et y croire jusqu’au coup de sifflet final.

Le Temps : Comment expliquez vous votre popularité auprès des supporters Algériens qui vous ont toujours soutenu et ne vous ont jamais oublié ?

Yassine Bezzaz : Tout simplement parce que le public Algérien est un grand connaisseur de football et qu’il sait que je me donne à 200% sur le terrain et que je n’ai jamais triché. Entre moi et le public Algérien, en club, comme en sélection l’amour a toujours été mutuel car sans supporters, le footballeur n’existe pas. Alors moi aussi je les aime.

Le Temps : L’équipe nationale a commencé ses éliminatoires de la CAN 2012 mi figue mi raisin. Yassine Bezzaz est-il optimiste ou pessimiste pour la suite ?

Yassine Bezzaz : Il est indéniable que nous avons raté nos débuts en perdant deux points à domicile face à la Tanzanie et que nous sommes malheureusement passé à côté en République Centrafricaine où nous aurions du essayer de glaner au moins le point du match nul. Mais nous sommes des compétiteurs et en football tout est possible, nous l’avons prouvé de la meilleur des manières dans un passé récent. Il nous reste quatre matchs, quatre finales. Nous devons les jouer à fond, sans calcul aucun et ne viser rien d’autre que la victoire et surtout y croire jusqu’au bout. Le mektoub décidera à la fin si nous nous qualifierons ou pas mais l’essentiel sera de n’avoir aucun regret.

Le Temps : Vous qui connaissez bien certains footballeurs qui composent l’équipe du Maroc. Comment voyez-vous cette double confrontation Algérie-Maroc ?

Yassine Bezzaz : Je n’ai pas besoin de vous préciser qu’il s’agit d’un match derby. Le genre de match où les deux équipes seront très motivées à l’idée de gagner pour faire plaisir à leurs supporters. Ce match je le vois très fermé, et la décision finale va se jouer selon moi sur un petit détail qui va faire la différence. Il faudra rester concentré, défendre et attaquer tous ensemble pour  espérer l’emporter. Le Maroc a de très grandes individualités que l’on ne présente plus mais si nous faisons preuve de solidarité, nous pouvons les bouger.

 Le Temps : Un dernier mot ?

Yassine Bezzaz : Je voudrais saluer le peuple Algérien, qui a toujours été derrière moi et m’a toujours soutenu, même dans les moments les plus difficile que j’ai traversé. J’espère revenir en équipe nationale pour le remercier sur le terrain en me donnant à 2000% pour participer à ces quatre finales et inchallah écrire une nouvelle page glorieuse de notre football .

CLIQUEZ SUR LA PHOTO CI DESSOUS POUR L'AGRANDIR

Interview effectuée par Mohamed BOUGUERRA