Coupe d’Afrique des nations de football féminin, Afrique du Sud 2010

Laetitia Agab (AS Saint Etienne) : Joueuse de l’EN 

Lorsqu’on voit Laetitia Agab, avec sa petite frimousse, son petit sourire Angélique qu’elle lance pour tromper sa timidité, on est loin, mais alors très loin de se douter, que cette jeune internationale Algérienne de vingt quatre ans, qui est titulaire indiscutable dans la défense du très célèbre club de première division Française de l’AS Saint Etienne, est une redoutable guerrière. Si l’on reproche souvent à certains joueur, ou là, en l’occurrence, à certaines joueuses, de ne pas se donner à fond, de ne pas « mouiller le maillot », Laetitia elle, les maillots sec, elle ne connait pas.

Laetitia Agab, même si elle évolue chez les « Verts » Stéphanois, est plus proche dans son style de jeu, de Madjid Bougherra, que du grand Rachid Mekhloufi. La conception du football pour Laetitia, c’est le « fighting spirit ». Si vous habitez dans la région Rhône Alpes, en France, faites un détour par le stade Léon Nautin, et vous verrez Laetitia Agab tacler, courir, se faire mal et se relever tout de suite,dépenser son énergie sans compter de la première seconde du match jusqu’au coup de sifflet final et cela dans un total fair play.

Il y a un deuxième stade cher au cœur de Laetitia Agab, le stade de Zeralda, que l’on appelle affectueusement chez nous : « le stade du 5 Juillet des filles », où elle défend les couleurs de l’Algérie depuis 2007.

Laetitia fait partie de la génération actuelle du football féminin Algérien qu’on qualifie de « génération dorée », tant elles ne nous ont rapporté que des satisfactions. Cette nouvelle génération des « ladies Fennec », celle des Bouhani, Boumrar, Sekouane, Boumrar, Hammou et autres Saoues, mi locales, mi expatriées, totalement décomplexée, qui a du prendre la relève, en 2006 après que la génération Naïma Laouadi, celle des pionnières, leur ai passé le flambeau , en se retirant après une victoire en coupe Arabe des nations, est en train d’entrer lentement mais surement dans le « Hall of fame » comme disent les Américain, le panthéon du sport Algérien.

Une coupe Arabe des Nations obtenue par les ainées, quatrième des derniers jeux Africains, une victoire en éliminatoires de coupe du monde 1-0 face au Nigeria, que l’on peut comparer en niveau, sur l’échiquier mondial, à l’argentine chez les garçons ,qualification à la Can 2006 et à la CAN 2010, obtenue , à l’exterieur, face à la Tunisie. Un palmares, qui ferait rougir pas mal d’équipes masculines, et obtenu avec trois dinars six sous, juste avec le cœur, l’envie et l’amour du pays. Le football féminin a ça de bien, c’est qu’il n’est pas encore contaminé par l’argent.

Mais Laetitia Agab, qui avait pourtant participé activement, à la dernière campagne éliminatoire, arrachée de haute lutte au stade El Menzah de Tunis, n’a pas fait le déplacement le 25 Octobre dernier, pour l’Afrique du sud pour participer avec ses collègue Fennec, à la CAN 2010, qui aura lieu du 29 octobre au 14 novembre 2010, terrassée dans son élan et sa générosité dans l’effort, par une hernie foudroyante. Elle qui rêvait d’honorer le maillot national en Afrique du Sud comme son modèle dans le métier, Karim Ziani, dont elle porte le numéro 15 fétiche en sélection, a du se contenter du bloc opératoire de son neurochirurgien, le docteur Huppert, le 13 octobre dernier.

 

 

Laetitia Agab : « Les filles ont les moyens de faire une grande CAN »

C’est une Laetitia Agab en pleine convalescence, au repos forcé, mais qui n’a, toutefois, rien perdu de son moral d’acier et de son esprit combattant, que nous avons eu au téléphone. Laetitia a gentiment accepté, de répondre à nos questions concernant, son état de santé, sa carrière personnelle, et bien sur de la participation à la CAN de ses collègues, leurs état d’esprit et bien sur les objectifs qu’elles se sont assignés dans cette compétition continentale.

Le Temps : Laetitia, la première question que j’ai envie de vous poser c’est, comment allez vous après avoir été opéré d’une hernie le 13 Octobre dernier ? 

Laetitia Agab : Sur le plan médical, tout s’est bien passé, je suis actuellement au repos total. Le 7 décembre inchallah, j’ai rendez vous avec mon neurochirurgien, qui, après m’avoir examiné, décidera d’après l’évolution et la cicatrisation de mon hernie, si il doit y avoir rééducation ou pas.

Le Temps : Une blessure, ça n’est jamais facile. Sur le plan moral, comment allez-vous ?

Laetitia Agab : En fait, c’est vrai que j’ai raté cette CAN à laquelle je rêvais de participer, de plus, pour une passionnée de football comme moi, souffrir d’une blessure qui va me tenir éloigné des terrains durant une longue période, c’est la « double peine ». Mais j’essaye de relativiser en me disant que c’est le destin qui l’a voulu ainsi et qu’il y a malheureusement, sur terre, plus malheureux que moi.

Le Temps : N’auriez vous pas pu vous faire opérer après la CAN ?

Laetitia Agab : Vous pensez bien que si j’avais pu, je l’aurais fait, mais honnêtement c’était impossible. Je n’arrivais plus à jouer, à courir, et rien que pour marcher d’un point à un autre je souffrais le martyr. De ce côté-là, pas de regrets.

Le Temps : Laetitia, sera t’elle toujours à l’ASSE l’année prochaine, ou avez-vous envie de voir autre chose ailleurs en France ou pourquoi pas à l’étranger ?

Laetitia Agab : Franchement, Saint Etienne c’est ma ville, et j’aime l’ASSE mais en ce moment, pour ne pas me faire mal, j’essaye même de ne pas penser au football, alors penser à un éventuel mercato… Ma préoccupation numéro un, est de me rétablir pour retrouver les terrains au plus vite.

Le Temps : Maintenant Laetitia, si vous le voulez bien, parlons un peu de l’équipe nationale. Avez-vous eu des nouvelles des joueuses récemment ?

Laetitia Agab : Et bien je dois vous avouer que depuis leur arrivée en Afrique du Sud, je suis sevrée de nouvelles. J’ai ma collègue et amie de l’AS Saint Etienne, qui est comme moi internationale, Safia Bengueddoudj, on s’est beaucoup parlé lorsqu’elles étaient en stage en Algérie, même lors de leur préparation en France, mais depuis leur décollage pour Johannesburg, je n’ai plus de nouvelles.

Le Temps : Le sélectionneur, Azzedine Chih s’est tracé comme objectif, d’atteindre les demi finales, qu’en pensez vous ?

Laetitia Agab : Il ya trois ans, lorsque j’ai débuté avec les Vertes, je vous aurait répondu que cette objectif était irréalisable, mais aujourd’hui, je vous réponds franchement qu’elles en sont réellement capable.

Le Temps : Le niveau s’est il resserré ?

Laetitia Agab : Effectivement, le niveau Africain s’est resserré, mais le nivellement ne s’est pas fait par le bas, mais heureusement, par le haut. Autrefois, les équipes d’Afrique Subsahariennes avaient dix ans d’avances sur les équipes d’Afrique du nord, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Nous avons progressé à pas de géants, dans tous les domaines, sous l’influence d’entraîneurs comme Azzedine Chih, qui ont en quelque sorte « professionnalisé » le football féminin et les résultats ont suivi.

Moi qui suis en équipe d’Algérie depuis 2007, je peux vous assurer, que l’évolution, je l’ai senti. Il n’y a qu’à regarder nos stages de préparation, où nous sommes dans des conditions idéales pour travailler, dans des hôtels avec toutes les infrastructures et les outils de récupération nécessaires. Pour préparer le match face à la Tunisie, nous nous sommes préparé en Turquie, dans le même hôtel où s’étaient préparé les garçons A’.

Regardez la double confrontation qui nous a opposée aux Tunisiennes, sur le terrain, c’était du football. Des deux côtés, il y avait du placement, de la construction, de la tactique et c’était plaisant à jouer sur le terrain. Même les spectateurs ont du se régaler en regardant du football bien léché.

Le Temps : Justement, concernant le sélectionneur national, Azzedine Chih, même s’il fait du bon travail, ne trouvez vous pas qu’en maintenant le « black out total » autour des filles, il nui à la popularité de votre sport ? Car même lorsque les Fennecs garçon jouaient une place au mondial, à Khartoum, ils avaient le droit de répondre aux questions de la presse nationale

Laetitia Agab : En fait, Azzedine ne fait pas cela pour embêter la presse. C’est un entraîneur très protecteur, qui nous a toujours protégé des médias et de tout ce qui ne concernait pas notre objectif principal, le match ou la compétition à laquelle nous allions participer.

Le Temps : Oui mais lui, est omniprésent dans les médias ces derniers jours, alors que les principales actrices, les joueuses, ont interdiction totale de répondre à la presse durant toute la CAN sous peine d’exclusion. Qu’en pensez-vous ?

Laetitia Agab : En fait, moi qui le connait bien, je peux vous assurer qu’il n’ya aucune intention malveillante d’Azzedine. Ce n’est pas pour tirer la couverture vers lui, loin de là, son but est de protéger la concentration des joueuses et empêcher qu’elles ne se dispersent. Il utilise un peu, la technique de Mourinho, en cristallisant tout sur lui, pendant que ses joueuses ont la paix.

Le Temps :  Le problème, pour en finir, c’est que contrairement aux garçon, qui n’ont pas besoin de promo pour faire connaitre leur sport, pour le football féminin Algérien, cette qualification à la CAN, c’était l’occasion d’une campagne médiatique providentielle pour donner envie aux petites filles, de faire du football et montrer au monde qu’en Algérie aussi les filles jouent au football et le font bien ! Non ?

Laetitia Agab : Vu sous cet angle là, il est évident que notre sport a besoin d’être médiatiser pour progresser. Mais concernant notre coach, lui il ne se préoccupe pas de ce volet là des choses. Pour lui, garçon ou fille, c’est pareil, c’est un compétiteur, il veut gagner, il a des objectifs et il se donne tous les moyens pour les atteindre même si ça doit nuire à son image.

Le Temps : Quel est votre pronostique, concernant la participation Algérienne à cette CAN ?

Laetitia Agab : Honnêtement, moi je pense que les demi finale c’est largement à notre portée. Nous avons un groupe de qualité, avec des filles qui peuvent amener le danger et marquer à la fois de près, et de loin, à tout instant. Nous avons  une profondeur de banc, que nous n’avons jamais eu dans le passé et une très bonne préparation. De quoi être optimiste vous ne trouvez pas ?

Le Temps :  Un dernier message ?

Laetitia Agab : Je voudrais remercier votre journal de parler du football féminin, remercier aussi le public Algérien, qui vient si nombreux lorsque nous jouons à domicile. Un merveilleux public, qui rend jalouses, nos amies internationales Françaises qui jouent des Euros et des matchs de Ligue des Champions, dans des stades quasi vides. Et bien sur allez les filles, honorez l’Algérie.

Interview réalisée par Mohamed Bouguerra