"Je suis anéanti par cette nouvelle. C’est un coup terrible pour le joueur et le club…" Ces mots ne sont pas ceux d’un entraîneur de renom, dans un grand club, au sujet de l’une des stars de la planète foot. Mick McCarthy est manager des Wolverhampton Wanderers et parle d’Adlène Guedioura. C’est dire si la trajectoire du milieu défensif algérien, inconnu il y a encore un an, a été fulgurante.

Dimanche 26 septembre 2010, 17 heures. Adlène, entré en jeu quelques minutes plus tôt, se tord de douleur sur la pelouse du Molineux Stadium. Dans un choc avec le joueur d’Aston Villa Steve Sidwell, le jeune homme (24 ans) a le tibia fracturé. Il sera indisponible de quatre à six mois.

Sans la moindre rancœur, le joueur réagit sur le site du club. "Je ne peux pas en vouloir à Steve, il a voulu jouer le ballon. Je jure que je reviendrai le plus vite possible. Je vais travailler dur et en sortirai grandi." Des mots qui résument à merveille ce garçon bon et généreux.

The Classy Bull
Le natif de la Roche-sur-Yon, dans un entretien avec FIFA.com peu avant sa blessure, a évoqué son parcours caché avant l’éclosion aux Wolves : Sedan, Noisy-le-Sec, l’Entente Sannois St-Gratien, Créteil, Courtrai, Charleroi. Pas exactement le gratin. "Personne ne pensait que je serai un jour professionnel. Ça n’a pas été facile. Il a fallu cravacher, sans jamais baisser la tête. Mais je suis content d’être passé par là, cela m’a renforcé. Maintenant je sais que lorsque l’on vient d’en bas, il faut toujours prouver que l’on a sa place au plus haut niveau."

La cour des grands, Adlène a commencé à y goûter l’an dernier, sous la forme d’un prêt de Charleroi en Angleterre. Et très vite le milieu de terrain impose son style détonant. "Je suis d’origine algérienne mais j’ai bénéficié d’une formation française. C’est sans doute pour cela que mon style de jeu n’est pas totalement nord-africain. Je vais avant tout chercher les ballons chez l’adversaire. Mais j’aime aussi monter, aller de l’avant et marquer des buts. C’est de ce style que me vient mon surnom 'The Classy Bull' (Le taureau classieux). Les supporters des Wolves me l’ont donné et je l’adore !"

Un papa ancien international
Depuis ses débuts en Premier League, des vidéos inondent le net. On le voit courir aux quatre coins du terrain, tentant de ratisser le moindre ballon et de le porter vite à ses attaquants.

Des qualités qui ne laissent aucun entraîneur indifférent. Guedioura ne compte qu’une lointaine sélection en espoirs quand en mai dernier, Rabah Saâdane le convoque pour la Coupe du Monde de la FIFA 2010.

"J’ai fait partie de l’histoire, de l’une de ces équipes d’Algérie qui a disputé un Mondial. C’est une grande fierté. Quand j’ai appris ma convocation, j’ai de suite pensé à mon père. Il a été international algérien mais n’a jamais eu la même chance que moi." Pour remercier ce père qui pendant des années a avalé les kilomètres pour emmener son fiston à l’entraînement, Adlène a invité ses parents à venir le suivre en Afrique du Sud. Il est entré lors des trois matches de son équipe.

"J’ai pris un plaisir immense à affronter l’Angleterre au Cap. D’abord parce que je n’ai jamais vu un stade aussi beau. Ensuite parce que dans une ambiance indescriptible, nous avons tenu tête à l’une des meilleures équipes du monde. Pour nous c’était comme une victoire."

Qualifiée pour le rendez-vous mondialiste avec beaucoup de panache, auteur d’un parcours honorable sur les pelouses sud-africaines, l’Algérie peine depuis à retrouver son jeu. Une défaite (face au Gabon 1:2) et un nul (1:1 contre la Tanzanie, premier but d’Adlène en sélection) - le tout à domicile - ont plombé l’entrée en lice des Fennecs dans les qualifications pour la Coupe d’Afrique des Nations 2012.

Une course contre la montre
"D’un côté nous avons la pression pour faire honneur à notre statut de récent mondialiste. Et de l’autre il faut vite mettre cette Coupe du monde dernière nous pour se tourner vers l’avenir. Nous sommes dans une phase de transition. Mais nous jouons toujours avec notre cœur. Et comme nous ne manquons pas de talent, je ne suis pas inquiet, plutôt confiant même."

Depuis, Saâdane a passé la main à Abdelhak Benchikha, un entraîneur reconnu en Afrique du Nord. De quoi relancer l’EN ? Guedioura n’en doute pas. "La qualification pour la CAN 2012 est une obligation. Sur place, il faudra tout donner. Je pense que l’on peut même gagner. Surtout j’aimerais aider le pays à se qualifier pour une deuxième Coupe du monde consécutive. Quand on y a gouté, on veut y retourner".

Malgré une jambe entièrement immobilisée pour les quatre prochaines semaines, Guedioura  a la bougeotte. Il espère rejouer cette saison. Les naseaux fument déjà, le sabot gratte le sol…