Avant de lire la news, cliquez s’il vous plait sur la pub ci-dessous car les finances de votre site, ALGERIAFOOT, sont au plus bas et nous risquons malheureusement de mettre la clé sous la porte rapidement si la situation ne s’améliore pas. Vous pouvez aussi faire un tout petit don (en haut à gauche de la page), pour marquer votre appartenance et votre solidarité avec la communauté Algeriafoot et continuer à recevoir l’info fennec autrement. Merci d’avance.

Jonathan Ayité (Togo) : « Je ne pourrais jamais rayer Cabinda de ma mémoire ! »

C’est devenu une habitude en championnat de France de Ligue 1. Chaque année, un attaquant venant de la Ligue 2 est recruté, fait son baptême du feu en Ligue 1, et devient l’attaquant vedette du championnat. Les exemples sont nombreux, le Parisien Guillaume Hoarau il ya deux ans et le Marocain Youssef El Arabi cette année.

Pour la saison prochaine, il semblerait que cet attaquant « racé », qui fera trembler les filets de la ligue 1, soit l’international Togolais Jonathan Ayité, du Nîmes Olympique, tant il est la star du mercato hexagonal.

Jonathan Ayité, qui a accepté de nous accorder un entretien, pour commémorer presque un an après, la tragédie de Cabinda, dont lui et ses frères de l’équipe nationale du Togo, ont été les héros malheureux, pour se souvenir des joueurs, qui ont payé de leurs vie et de leur chaire, la bêtise humaine.

Le Temps : Bonjour Jonathan, pouvez vous nous narrer votre parcours en quelques mots ?

Jonathan Ayité : Bonjour, je me présente, je me nomme Jonathan Ayité, je suis attaquant, j’ai 25 ans et je suis international Togolais. J’ai fait ma formation aux Girondins de Bordeaux où je suis resté 4 ans, ensuite j’ai joué à Brest 2 ans avant d’atterrir au Nîmes Olympique en 2008, club où je me trouve toujours actuellement.

Le Temps : Comment ça se passe pour vous au Nîmes Olympique ?

Jonathan Ayité : Franchement, ça se passe de la meilleure des façons. En arrivant dans ce club, j’ai du au début, faire mes preuves, et grâce à dieu, aujourd’hui, je me suis imposé dans ce formidable club à l’ambiance conviviale.

Le Temps : Vous êtes vraiment le « chouchou » des supporters ?

Jonathan Ayité : Je ne sais pas si le mot « chouchou » convient bien. Tout ce que je peux vous dire, c’est que j’aime aussi les supporters du Nîmes Olympique car se sont des supporters très chauds. J’ai toujours eu un faible pour les clubs où les supporters sont chauds bouillants.

Le Temps : Votre mercato risque d’être agité car la presse spécialisée vous annonce partout, avec deux pistes très chaudes, Auxerre et Saint Etienne. Info ou intox ?

Jonathan Ayité : Pour vous dire la vérité, je ne sais pas quoi vous dire à part que je suis aujourd’hui l’attaquant du Nîmes Olympique, et que demain j’ai un match très important à Tours (entretien réalisé le jeudi 16 décembre) et qu’il faut qu’on revienne avec quelque chose de ce déplacement. Concernant un éventuel transfert, j’ai un agent, Pierre Frelot, qui s’occupe de ça et je lui fais totalement confiance. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il me reste un an de contrat et que mon club sait que, si j’ai l’occasion de jouer à un niveau supérieur, la Ligue 1 ou la première division d’un grand championnat Européen, je la saisirai. J’ai l’impression d’avoir fait le tour de la Ligue 2 et j’ai besoin d’un nouveau challenge. J’ai la chance d’évoluer dans un club compréhensif avec un président qui comprend mes aspirations à vouloir progresser dans ma carrière.

Le Temps : Ne trouvez vous pas que le joueur Africain est sous-coté et moins considéré en Europe, par rapport à des joueurs sud-américains, qui ont parfois un rendement inférieur ?

Jonathan Ayité : Vous savez, moi je ne me pose pas ce genre de question, à savoir si les footballeurs Africains sont victimes de racisme ou si leurs fiches de paye ne reflètent pas toujours leurs valeurs réelles. Si je commençais à réfléchir à ce genre de question, j’arrêterais ma carrière immédiatement  en me disant « à quoi bon continuer ? ». Moi je préfère ne pas y penser et me battre chaque jour que dieu fait à l’entrainement, pour gagner ou conserver ma place sur la feuille du prochain match.

Le Temps : Vous qui êtes international Togolais, comprenez vous les jeunes qui rechignent à rejoindre leur équipe nationale ?

Jonathan Ayité : Honnêtement, je ne me permettrai pas de juger les autres, tout simplement parce que je ne les connais pas assez bien personnellement pour savoir le pourquoi du comment de cette frilosité ou de cette appréhension à l’idée de répondre à l’appel de leur sélection. Par contre, en ce qui me concerne, je ne m’imagine même pas une seconde, refuser ou même hésiter à rejoindre mon équipe nationale. L’équipe nationale du Togo pour moi c’est un immense honneur, c’est le pays, le drapeau, la nation. Vous vous rendez compte que sur tous les Togolais qui jouent au football, il n’ya que 23 places maximum chez les Eperviers. A chaque fois que je reçois une convocation en équipe nationale, j’ai conscience de ma chance, et si je suis apte physiquement, je fonce. De plus lorsque je rencontre des Togolais ici en France, où lorsque je suis abordé par des gens au pays, je sens la fierté dans leurs yeux et je sens qu’ils comptent sur nous tous. Ce regard, ça vaut toutes les primes de match de la terre, croyez moi.

Le Temps : Jonathan, ce n’est pas trop dur, lorsque vous jouez pour les Eperviers du Togo, d’être sur le front de l’attaque aux côtés d’un certain Emmanuel Adebayor ?

Jonathan Ayité : En fait, la présence d’Emmanuel Adebayor à mes côté en sélection, me booste plus qu’autre chose. C’est un joueur de classe mondiale, un leader naturel et j’ai la chance d’évoluer à ses côtés et de le côtoyer. A son contact, j’ai l’impression de progresser plus rapidement et il me donne toujours des conseils très précieux. Même sur le plan de la médiatisation de notre équipe, avoir un joueur tel que lui à nos côtés est un plus.

Le Temps : Il ya pratiquement un an que s’est produit ce qu’on a appelé « la tragédie de Cabinda », où rappelons le, le car de l’équipe nationale du Togo, avait été mitraillé par des rebelles du Cabinda, la veille de la CAN en Angola. Ce souvenir vous hante t’il encore ?

   

Jonathan Ayité : Ce souvenir horrible me hantera toute ma vie. Je ne pourrai jamais rayer Cabinda de ma mémoire. Ne serait ce que pour mes frères morts dans cette embuscade et ceux qui en garderont les séquelles et les stigmates toute leur vie. Je me trouvais dans ce car et je peux vous dire que sans la protection de dieu et de son destin, qui disait que notre dernier jour n’étais pas encore arrivé, vu les tirs nourris, nous y serions tous passé.

Le Temps : Il y a tellement eu de versions différentes de cet attentat, avec la CAF qui essayait par tous les moyens de minimiser l’affaire en faisant de la rétention d’information. Vous qui, malheureusement, y étiez, pouvez vous nous dire ce qui s’est réellement passé ce jour là ?

Jonathan Ayité : C’est vrai que la CAF et le gouvernement Angolais, ont essayé de rattraper, maladroitement, le coup, pour des raisons économique et bien sur politiques, mais la réalité de ce qui s’est passé ce jour là est la suivante. Nous étions en stage en République démocratique du Congo, pour préparer la CAN 2010 en Angola. Pourquoi nous préparer au Congo ? Tout simplement parce que notre groupe ne jouait pas en Angola « proprement dit » mais à Cabinda, une enclave Angolaise à l’intérieur de la RD Congo. C’est pour cette raison, que pour effectuer le peu de kilomètres qui séparaient le lieu de notre stage en RDC, de notre lieu de résidence de Cabinda, nous avions décidé d’utiliser notre CAR plutôt que de prendre l’avion. Puis comme chacun sait, nous sommes tombés dans une embuscade organisée par les séparatistes du Cabinda, qui ont mitraillé notre car pendant de longues minutes.

 Les autorités Angolaises ont dit qu’ils n’étaient pas au courant de notre venue et c’était faux, car nous avions une escorte de soldats d’élites de l’armée Angolaise à nos côtés et c’est grâce au courage d’un de ses soldats qui a, sous les tirs de kalachnikov, risqué sa vie pour redémarrer le car, que nous avons eu la vie sauve.

Le Temps : Comment arrive t’on à revenir au plus haut niveau après un tel cauchemar ?

Jonathan Ayité : En ce qui me concerne, étant très croyant, je me devais de reprendre le dessus pour remercier dieu que ma vie ait été épargnée. De plus, après l’inhumation de mes frères morts ce jour là, le seul moyen pour moi de refaire surface, était de vite reprendre ma vie quotidienne. Je suis allé voir mon coach de l’époque, Jean Michel Cavalli, pour lui demander de me réintégrer au sein du groupe le plus rapidement possible et c’est ce qu’il a fait. Avec la solidarité de mes collègues, des supporters et des Nîmois en général, j’ai réussi à revenir et surmonter cette tragédie.

Le Temps : En voulez vous à la CAF pour avoir sanctionné durement, votre équipe nationale, qui était meurtrie à ce moment là ?

Jonathan Ayité : A mon niveau, de footballeur, je ne peux analyser, commenter ou critiquer des données politiques et économiques, qui dépassent mes compétences. Moi j’aspire seulement à honorer le drapeau de mon pays, sur le terrain et avec un minimum de sécurité. En « vouloir »ce n’est pas exactement le mot. Je dirais plutôt que je déplore la gestion de cette affaire depuis le début. Je déplore le fait que la CAF ait essayé de rattraper le coup en tentant d’étouffer certain faits à notre décharge. Je déplore le fait qu’on ait essayé, maladroitement, de nous faire jouer alors que notre sang avait coulé sans respect pour nos morts, notre deuil et notre traumatisme. Je déplore qu’on nous ait sanctionnés pour ne pas avoir joué cette CAN.

Mais ce que je déplore le plus, c’est qu’en 2010, la politique s’ingère dans le sport. Car si les autorités Angolaises avaient décidé de faire jouer un groupe à Cabinda, une enclave Angolaise à l’intérieur du Congo, en proie à la rébellion depuis de nombreuses années, c’était pour donner le message au monde que Cabinda était totalement pacifiée. L’attentat dont nous avons été victime, a assurément prouvé le contraire.

Le Temps : Comme l’équipe nationale Algérienne, le Togo a mal entamé ces éliminatoires de la CAN 2012. Croyez-vous encore à la qualification ?

Jonathan Ayité : Pour vous répondre franchement, après notre défaite à domicile face à la Tunisie et notre défaite au Botswana, les chances de nous qualifier à la CAN 2012 sont très infimes, heureusement qu’il y en a une autre en 2013 (rire). Plus sérieusement, nous avons été gracié à la dernière minutes après avoir été sanctionné pour ne pas avoir disputé la CAN, nous n’avons pas pu nous préparer correctement. Nous jouerons quand même cette chance infime à fond, en bon professionnels que nous sommes et nous allons axer toute notre énergie à bien nous préparer pour être présent à la CAN 2013.

Le Temps : Que pensez vous de votre petit frère, Floyd, qui évolue aux girondins de bordeaux, et dont on dit le plus grand bien ?

Jonathan Ayité : Mon frère Floyd est un excellent joueur. Il a fait toutes ses classes aux Girondins de Bordeaux et a toujours été très prometteur. Il a franchi toutes les étapes de sa formation avec brio, avec notamment une très bonne saison en ligue 2 sous forme de prêt. Il ne lui reste plus que la dernière étape de son cursus, exploser en ligue 1 en terme de temps de jeu et de statistiques pour être vraiment lancé dans le grand bain.

Le Temps : Pouvez-vous nous parler de vos deux collègues Algériens du Nîmes Olympique, Abderraouf Zarabi et Mehdi Mostefa ?

Jonathan Ayité : Je vais commencer par Abderaouf Zarabi, car nous sommes très proches. Raouf c’est vraiment quelqu’un sur qui l’on peut compter. C’est quelqu’un de très sérieux, intègre, bosseur, qui met beaucoup de cœur dans tout ce qu’il entreprend. C’est quelqu’un de très professionnel et très expérimenté en club comme en sélection. Pour résumer, je dirais que Zarabi c’est une valeur sure de la Ligue 2. En ce qui concerne Mehdi, il y a trois mots qui le résument parfaitement : capitaine exemplaire, honnête et surtout très combatif.

Le Temps : Un dernier mot pour le peuple Algérien ?

Jonathan Ayité : Je voudrais juste saluer le peuple Algérien. Je connais bien l’Algérie car beaucoup de mes amis sont Algériens et m’ont fait aimer leur pays. En plus grâce à Raouf (Zarabi) je suis au fait de l’actualité de l’équipe d’Algérie à la seconde près. La situation de l’Algérie pour la qualification à la CAN 2012 n’est pas facile, mais il faudra gérer match par match ; assurer deux bons résultats dans le derby face au Maroc et compter les points ensuite. Je souhaite bonne chance à votre équipe.

Le Temps : Merci et bonne chance aux Eperviers du Togo.

Entretien réalisé par Mohamed Bouguerra ZOOM cliquez sur l'image pour l'agrandir